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Tac au tac à l’amiable: Réponse à un article signé Cliford Jasmin et publié dans le Nouvelliste du 17 Juin 2016

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Disons en passant que je ne défends personne. Je voudrais simplement être l’un des apôtres du bien universel, la seule planche de salut de l’humanité. D’autres moyens de nos capitaines à grandes dents, gros mots mais têtes creuses qui ne viseraient pas des solutions à l‘amiable seraient rêves déchus, peines perdues, héroïsmes superflus. Nous tenons tête de façon insensée à l’ordre global actuel des choses humaines, vautrés dans nos chaises de fonction comme garants de salut public, emmitouflés dans des vestes de lin et cravates de soie, plus bien habillés et mieux chaussés que le blanc qui nous donne la main ou pas, n’importe ce que cela prouve, et l’arrière-pays haïtien, le vrai pays – le colporteur de tout ce qui fait d’Haïti Haïti, pour qui une fièvre et des maux de dents restent encore maladies mortelles en plein 21ième siècle – végète, étourdi de douleur, moisi de chagrin et de misère, ne sachant même pas l’existence ni la raison d’être du débat national qui se fait en leurs noms, rage personnelle soi-disant pour le bien collectif.

C’est vrai en un sens que ce que le blanc veut Dieu le voudrait si le blanc ne voulait que le bonheur du monde et était plus concerné par la misère des haïtiens que les haïtiens eux-mêmes. Le blanc a l’argent, la technologie, la longévité de puissance sur l’échiquier international et un peu de tout en son pouvoir pour avoir le luxe du premier ou du dernier mot dans le débat universel. Mais, je ne suis pas sûr que ce soit seulement ses mots qui comptent. Bien de nos hommes peuvent tenir tête et ont tenu tête, mais le pouvoir de l’argent et de la technique a toujours triomphé de leur courage et de leur constance. Maintenant, ce n’est aucune lutte insensée et stupide qui nous procurera la percée et la montée souhaitées. Il faut être réaliste parfois ou tout le temps, pas pour fermer ses yeux et tout accepter et dire que tous les moyens sont bons, mais pour reconnaître que ses pouvoirs sont limités et que des négociations avec ceux-là qui ont un cœur à donner à nos malheurs, ces malheurs la plupart fomentés et maintenus par les nationaux eux-mêmes, les bons témoins étrangers, et des concessions logiques sont à l’ordre du jour. Il est temps de finir avec toute logique absurde et faussement pragmatique.

Le mot du blanc n’est pas toujours accepté parce qu’il est blanc, et je pense même que ce ne sont pas tous les blancs qui veulent jouer aux supérieurs et gérer nos mésaventures. La plupart d’entre eux désirent bien un dialogue ouvert et fructueux avec tout le monde. Eux aussi sont fatigués de forcer de nous allonger la main et d’être accusés de tous nos péchés. N’est-ce pas un blanc qui a dit « Tenir les autres au dehors n’existe pas, on ne fait que se verrouiller à l’intérieur». N’est-ce pas un autre blanc qui a déclaré « On ne peut jamais définitivement tenir quelqu’un au dessous à moins qu’on désire rester au dessous avec lui ». N’est-ce pas Jean-Cocteau qui a dit « Ceux-là qui sont noirs dehors sont rose dedans et ceux-là qui sont rose dehors sont noirs dedans ». Il voulait dire simplement peau claire mais cœur noirci par la méchanceté, peau noire mais âme pure et sans méchanceté. Les français exprimaient de la frousse face à la levée intempestive des intellectuels africains dans les années suivant l’indépendance de leurs pays (la négritude) et Jean-Paul Sartre de leur dire « Que voulons-nous qu’ils fassent les Africains, nous serrer la main et dire merci de nous avoir colonisés ». Et ce jeune anglais né africain du Sud qui a déclaré à propos de l’apartheid et du calvaire noir/blanc« Que ce qui a été fait, a été fait pour moi, ou contre moi, mais c’était inacceptable ». Et Jacques Chirac, un français pur-sang, président de son pays qui s’était converti en tribun éloquent et avait le courage de dénoncer les torts économiques faits à l’Afrique par la France. Et des milliers d’autres exemples, John Brown dans l’histoire Américaine.

Cette question de je suis blanc je suis supérieur, c’est un autre aspect des relations humaines et ne concerne le plus souvent que des blancs sans bagages, sans fondement, les blancs dépourvus de culture solide. Mais les blancs à bagages intellectuels et spirituels qui se sentent responsables de l’avenir du monde savent pertinemment qu’on ne peut pas retourner à hier et reléguer tout au passé, donc ils travaillent pour l’avenir de l’humanité. Ils veulent coopérer sinon pour effacer les torts déjà faits à l’humanité des autres, mais pour réparer et combler les fissures du vide spirituel immense entre la race humaine et la race humaine.

Personnellement, je vote pour cette perspective altruiste et généreuse sans faire allusion à la couleur de la peau. Pour certains d’entre nous dont moi la peau n’a rien qui vaille sinon qu’elle est le plus volumineux organe humain et qu’elle nous protège du milieu ambiant, une approche toute scientifique qui ne comporte rien de sentimental. Laissons le blanc être le blanc et restons des nègres en dépit des préjugés  et les tares qui encrassent nos vertus et retardent nos élans vers les autres nous-mêmes. À nous maintenant haïtiens de travailler pour emmener nos relations avec les autres interlocuteurs du débat international vers une autre dimension. La résolution de l’inéquation n’est pas pour demain, mais dans la balance de nos relations humaines avec les autres nous pouvons faire une différence par nous-mêmes et pour nous-mêmes puis prendre du poids.